• A-T-ON BESOIN DE PHILOSOPHES ?

    Dans une société de plus en plus technique, scientifique, électronique, on aurait pu croire que la réflexion philosophique allait finir au musée, pour une visite guindée les jours de vacances. C’est l’inverse. De tous cotés, aujourd’hui, dans des milieux professionnels très divers, dans des pays et des systèmes d’enseignement différents, la nécessité de la réflexion philosophique est reconnue et affirmée.

    En 1994 le directeur général de l’Unesco a confié à un philosophe, chercheur au CNRS une enquête mondiale sur la place de la philosophie dans l’éducation des citoyens.. Soixante sept pays ont répondu, représentatifs de toutes les régions du monde et de tous les systèmes d’enseignement. Leur conviction est unanime : la réflexion philosophique est de plus en plus nécessaire ….


    La réponse du  Maroc :  «  Plus que’indispensable cet enseignement est vital, au sens fort du terme. Le monde actuel connaît des évolutions à la fois rapides et simultanées. Si les citoyens ne disposent pas d’un outil intellectuel intégrateur très puissant et polyvalent ( la philosophie) les forces qui travaillent notre monde les pousseront dans la voie de la désintégration . Le savoir philosopher développe une forme d’immunité intellectuelle  comme les  réductions particularistes. « 


    Réponse de la Norvège :  il existe un fort intérêt pour l’éthique qui reflète   indubitablement les problèmes de la société moderne: justice distributive, contrôle des technologies  et questions d’environnement… Les milieux politiques semblent considérer ces questions philosophiques comme légitimes dans une plus large mesure qu’auparavant » .


    Réponse venue du Brésil :  Les uns et les autres s’accordent à affirmer que seule la philosophie pourra fournir l’outil critique et démystificateur des présupposés et des effets de la technique  ainsi que des discours et des projets politiques qui s’en inspirent ..


    Réponse venue de Turquie : la philosophie constitue peut être la tentative humaine la plus essentielle contre le principe du «  tout fait » et la prétendue égalité  des valeurs et de toutes les normes.


    Réponse venue de l’Uruguay : la philosophie est particulièrement indispensable à l’époque où le pouvoir technique dont dispose l’humanité est un pouvoir de destruction réelle de l’autre, de sa propre planète, d’autodestruction de l’homme. 

                           
    Former des hommes qui soient à la hauteur des défis du XXI siècle, ce n’est pas possible sans la philosophie

    Quel est le principal reproche formulé contre l’enseignement philosophique par ceux qui voudraient le voir réduit  ou carrément supprimé et remplacé par des formations directement utilisables dans la vie professionnelle ? La philosophie ne sert à rien. Alors qu’il ya tant d’apprentissages techniques possibles, débouchant sur des emploi nouveaux, pourquoi donc encombrer les emplois du temps et les esprits avec de vieilles questions insolubles ? Voilà à peu près ce que disent les adversaires de la philosophie. Sous cette forme, le problème est mal posé. Il est absolument nécessaire de ne pas faire entrer en concurrence la formation scientifique  technique et professionnelle avec la formation philosophique.


    Toutes les formations dispensées dans le cadre des études supérieures devraient pouvoir inclure des cours de philosophie adaptés à leurs centres d’intérêt. Ces cours ne devraient pas être considérés comme des éléments extérieurs aux études professionnelles et techniques. Ils devraient au contre y être pleinement intégrés. Au lieu d’être considérés comme un temps soustrait aux choses sérieuses  et rentables, ils devraient être vus comme un moment essentiel de leur assimilation. Ce qui compte dans l’apport de la philosophie, ce ne sont pas les emplois offerts. C’est le regard différent porté sur ce qu’on fait. C    ‘est la compréhension des techniques permise par une interrogation plus large. C’est le partage des perplexités et des subtilités intellectuelles qui font l’humanité.


             Ceci ne convaincra pas les méfiants. Leur argumentation fait valoir que les programmes, partout, sont de plus en plus chargés, les horaires des études de plus en plus lourds et difficiles à organiser. Pourquoi, dans ces conditions, consacrer une partie même minime d’un temps précieux à des considérations qui peuvent être «  intéressantes » mais sont toujours moins u utilisables de manière directe et pratique, que les apprentissages techniques ? C’est un vieux débat. On pourrait ironiser : pourquoi réfléchir, alors qu’il y’a tant de choses à faire ? Pourquoi chercher à comprendre, au lieu d’apprendre ? Pourquoi penser au lieu de faire ? Il est vrai que le règne de la technique peut conduire vers ce type de fonctionnement. Mais l’inhumain est alors possible. Ne croyez pas malgré tout que vous allez devenir «  inhumain » si vous laissez de côté la philosophie pour vous consacrer à une carrière d’ingénieur ou d’informaticien…


    L’aventure philosophique n’est donc ni inutile, ni ennuyeuse n i périmée. En partageant les explorations des philosophes, nous abordons des questions qui sont toujours au cœur des préoccupations des individus et des collectivités : la liberté civile, les fondements des droits de l’homme, l’universalité de l’éthique, la justice, l’égalité, la responsabilité ainsi que, par -delà l’infinie diversité des cultures et des langues, la communauté même des êtres humains.

    On peut rassembler l’essentiel des aventure philosophiques en deux verbes : «  FONDER - » , «  CRITIQUER «  , ces deux fonctions forment l’essentiel de toute la philosophie…


    FONDER  constitue la tâche première de la philosophie. Chercher ce qui est vrai, c’est chercher sur quoi reposent nos affirmations. On peut même s’interroger comme l’a fait Nietzsche  sur ce qui fonde l’idée même de vérité, sur ce que valent les valeurs. Dans tous les cas, il s’agit de dégager le plus nettement possible l’ancrage rationnel d’un concept . On peut arriver à conclure que cette vérité est inaccessible, comme l’ont fait les sceptiques. On peut aussi arriver à l’idée que des passions et des illusions se masquent la logique et l’amour du vrai..  Mais ces  conclusions correspondront à chaque fois à une investigation, une exploration en profondeur… Une tâche essentielle des philosophes, pour eux c’est chercher à dégager ce qu’il ya «  sous «  les questions que nous nous posons, mettre au jour le socle sur lequel repose tout le reste, telle est leur activité primordiale.


    CRITIQUER  est leur deuxième grande tâche. Il s’agit toujours de prendre une distance envers les évidences. Elle doit nous permettre de voir autrement les évidences sur lesquelles reposent nos actes et nos jugements. Critiquer ce que nous croyons savoir , ce que nous tenons pour le plus vrai ou le mieux assuré, c’est éviter d’y être rivé, collé, figé sans mobilité ni recul.


    Ce rôle critique de la philosophie est bien connu. Encore faut il réellement s’exposer à le mettre en œuvre.. Or c’est toujours plus simple sans lui . Sans la critique, en effet le confort des monologues peut se poursuivre..  Au contraire, dès lors qu’on prend au sérieux cette dimension critique, c’est l’inconfort de la présence de l’autre, et le caractère intempestif de sa parole qu’il nous faut non seulement endurer, mais susciter et aussi en un sens apprendre à aimer. Ces deux rôles habituels de la philosophie continuent..


  • Commentaires

    1
    Samedi 8 Août 2009 à 21:44
    clem
    J'espère bien que la philosophie sera toujours enseignée. Les droits de l'homme et certains code de déontologie reposent sur des principes philosophiques.. puis ne deviendrions-nous pas des sortes de robots sans la philosophie qui nous fait réfléchir sur le sens de la vie, de nos actes et ceux des autres.. 
    bonne réflexion..
    clem 
    2
    Samedi 8 Août 2009 à 23:04
    bernard
    L'homme a besoin du Philosophe.
    Bien à toi !
    3
    Samedi 8 Août 2009 à 23:40
    Sandys

    Tout à fait vrai , d'autant que la philosophie n'est que de la morale ....mais maquillée!!

    bien amicalement !

    4
    Dimanche 9 Août 2009 à 08:51
    aussicalin

    Dans une société technicienne comme la notre , le rôle de la philosophie est important. Celà permet de laisser une parcelle d'humanisation entre l'homme ,la machine ,et la technique . "La philosophie n'est autre chose que l'application de la raison aux différents objets sur lesquels elle peut s'exercer" (d'ALEMBERT)
    Bon dimanche Sandys, bisous,à bientôt .Alain

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    5
    Dimanche 9 Août 2009 à 12:48
    Francine Chauvet
    Dans la mesure où la philosophie est l'art de poser des questions sur son environnement, elle me paraît vitale.

    Dommage qu'elle soit mal enseignée à l'école et qu'elle se cantonne aux anciens d'il y a trois mille ans.

    Les philosophes modernes gagneraient à simplifier leur langage, s'ils veulent se mettre à la portée des enfants. Car, de par leurs questions souvent pertinentes, nos petits écoliers philosphent comme monsieur Jourdain.

    Bon dimanche Eva.
    6
    Dimanche 9 Août 2009 à 23:16
    Renard
    Il ne faut surtout jamais baisser les bras.
    On peut philosopher avec un très jeune, il n'aura pas forcément les mots propres à cette discipline, mais il apprendra à passer au crible de l'analyse tout ce qu'on va lui présenter, et ça évitera peut-être qu'il accepte sans broncher des dogmes plus ou moins sains.
    Apprendre à réfléchir ne devrait pas être l'apanage des spécialistes ou d'une catégorie d'âge.
    Mais, le problème n'est pas la philosophie en elle même, mais la manière dont elle est enseignée.
    il m'est arrivé d'entendre des personnes qui étaient capables de tenir un discours très référencé sur les philosophes, mais pas une idée à eux dans le discours en question. Et ils croyaient faire de la philo.
    En réalité, apprendre une liste de philosophes et certains de leurs discours n'est pas faire de la philosophie, mais de la philosophistique.
    Et la philosophistique est à la philo ce qu'est l'histoire des maths aux maths elles mêmes. 
    je peux vous citer un nombre conséquent de mathématiciens célèbres, et même à la limite vous dire ce qu'ils ont trouvé, mais je suis une piètre mathématicienne (et encore, je dis piètre parce que je suis orgueilleuse)  
    Voilà, je laisse la place à d'autres bavard(e)s, et j'espère que mes avis ne choqueront personne.
    Je te fais ton bisou du soir belle niçoise. 
    7
    Dimanche 9 Août 2009 à 23:20
    Renard
    Ah, et je voulais dire que c'est pour ça que j'aime ton blog, car tu nous livres tes réflexions sur un sujet, mais tu ne nous assènes pas sans arrêt la vie de tel ou tel philosophe et son oeuvre.

    Par contre, dans ta citation du soir, tu nous invites à réfléchir sur une phrase ou un extrait de texte, et j'aime.
    OK, OK, je sors...  
    8
    eukelade
    Samedi 21 Septembre 2013 à 21:39
    eukelade
    Il y a quelques décennies, la philosophie apparaissait comme une matière superflue qui ne pouvait être utile a aucune action concrète. Depuis, nous avons évolué, que serions nous sans cette capacité de réflexion, de raisonnement...Bonne soirée Sandys.
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