• ARTHUR RIMBAUD

    Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
    La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
    Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
    - On entend dans les bois lointains des hallalis.

     

    Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
    Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir,
    Voici plus de mille ans que sa douce folie
    Murmure sa romance à la brise du soir.

     

    Le vent baise ses seins et déploie en corolle
    Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
    Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
    Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.

     

    Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
    Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
    Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :
    - Un chant mystérieux tombe des astres d’or.

     

    O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
    Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
    C’est que les vents tombant des grand monts de Norvège
    T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté ;

     

    C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
    A ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
    Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
    Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits ;

     

    C’est que la voix des mers folles, immense râle,
    Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
    C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
    Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux !

    Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !


    Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
    Tes grandes visions étranglaient ta parole
    - Et l’infini terrible effara ton œil bleu !

     

    - Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
    Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
    Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
    La blanche Ophélia flotter, comme un grand  lys.

     ARTHUR RIMBAUD

     

     

     

     

    Arthur Rimbaud ( 1854-1891)

    Fils d’un capitaine du général Bugeaud  qui déserta  le domicile conjugal,Arhur Rimbaud au collège de Charleville étonne par la précocité de ses dons. Mais déjà à l’étude, il,il préfère l’école buissonnière, fait ses premières fugues pendant la guerre de 1870. Sur les murs de Charleville il écrit  " mort  à Dieu " , s’enivre dans les cabarets.

    Mais cette même année 1870 son professeur de rhétorique et ami Georges Izambard encourage ses dons poétiques. Parti pour Paris avec des poèmes plein les poches, il s’y conduit en voyou dans les cercles littéraires., porte des toasts à la gloire de la Commune dans les cafés, brise le ménage de Verlaine, puis s’enfuit avec lui pour la Belgique, l’Angleterre.

    Ruptures, réconciliations… En mai 1873 Verlaine, ivre, dans une crise de jalousie le blesse au bras d’un coup de revolver. Tandis qu’il purge une peine de prison, Rimbaud rédige  " Une saison en enfer ". L’accueil est si glacial qu’il décide, après avoir encore composé les  " Illuminations » de ne plus écrire. Il vagabonde à travers Europe, s’engage dans l’armée hollandaise, déserte….

    A 25 ans, il fait ses adieux à ses amis de Charleville t disparaît en Orient. Contremaître à Chypre, gérant de comptoirs commerciaux, marchand d’armes en Ethiopie…Il est devenu un ascète, qui rêve néanmoins de faire fortune et de mener une vie honorable. Une tumeur au genou l’oblige à revenir en France. Amputé, il veut retourner en Ethiopie, mais ne l’atteindra jamais. Son billet en poche, il meurt dans les bras de sa soeur après une atroce agonie longue de trois mois, à l’hôpital de Marseille , le  9 novembre 1891.


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