• Voici un poète qui parle comme tout le monde! point de recherches alambiquées, de tournures abstruses, de phrases absconses ....

    Jacques Prévert est né le 4 février 1900 à Neuilly sur Seine, dans un milieu de petite bourgeoisie- André son père, travaille dans une compagnie d'assurances, puis à la mairie du VIe arrondissement de Paris. Six ans plus tard, naît son frère, Pierre, dont il se sentira toujours très proche. Les deux frères collaborent pour plusieurs films, notamment " L'affaire est dans le sac" - " Paris la belle " - 

    En 1945 Prevert rassemble les poèmes qu'il a écrits depuis des années, sous le titre de" Paroles". Dès la parution du recueil, les ventes de Paroles s'envolent, mais les écrits restent dans les mémoires. En effet, Prévert écrit dans une langue qui parle à tous les passants de n'importe quelle rue. Enfin la poésie est à la portée du jardinier, du boucher, du contrôleur, du médecin, de l'avocat, des jeunes ou des vieux - et même du cancre!  A la complication surréaliste, aux recommandations alambiquées d'un Breton, à  la table sacrée du poète solennel, Prévert a préféré les recettes de tous les jours, et le comptoir du café! et la recette fonctionne à merveille,, sous les yeux d'un André Breton , sans doute envieux de ce succès...
    Breton que Prévert avait égratigné en quittant le groupe surréaliste ..

    Langage unique en son genre, jamais imité, mélange de tendresse, de gouaille, d'ironie féroce, de chagrin aussi et de lumière sans fard, les poèmes de Prévert continuent d'être lus, étudiés, appréciés par toutes les générations. " Paroles" s'est vendu à plus de deux millions d'exemplaires depuis sa parution.

    Prévert est aussi  l'auteur de chansons " les Feuilles mortes, " " les enfants qui s'aiment " interprétées par les plus grandes voix : Greco, Sauvage - Cora Vaucaire, Piaf , Mouloudji, Montand ....    Celui qui en écrit la musique est un jeune roumain venant de Budapest que Prévert a découvert en 1934 : Joseph Kosma -

    Prévert est mort le 11 avril 1977 à Omonville-la Petite, dans la Manche, où se trouve sa tombe sur laquelle fleurissent les roses qu'il aimait...


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  • Dans un square sur un banc
    Il y a un homme qui vous appelle quand on passe
    Il a des binocles un vieux costume gris
    Il fume un petit ninas il est assis
    Et il vous appelle quand on passe
    Ou simplement il vous fait signe
    Il ne faut pas le regarder
    Il ne faut pas l'écouter
    Il faut passer
    Faire comme si on ne le voyait pas
    Comme si on ne l'entendait pas
    Il faut passer et presser le pas
    Si vous le regardez
    Si vous l'écoutez
    Il vous fait signe et rien personne
    Ne peut vous empêcher d'aller vous asseoir près de lui
    Alors il vous regarde et sourit
    Et vous souffrez attrocement
    Et l'homme continue de sourire
    Et vous souriez du même sourire
    Exactement
    Plus vous souriez plus vous souffrez
    Atrocement
    Plus vous souffrez plus vous souriez
    Irrémédiablement
    Et vous restez là
    Assis figé


    Souriant sur le banc
    Des enfants jouent tout près de vous
    Des passants passent
    Tranquillement
    Des oiseaux s'envolent
    Quittant un arbre
    Pour un autre
    Et vous restez là
    Sur le banc
    Et vous savez vous savez
    Que jamais plus vous ne jouerez
    Comme ces enfants
    Vous savez que jamais plus vous ne passerez
    Tranquillement
    Comme ces passants
    Que jamais plus vous ne vous envolerez
    Quittant un arbre pour un autre
    Comme ces oiseaux.

    JACQUES PREVERT



    Un peu plus d'articles aujourd'hui  pour compenser mon absence de demain .. 


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  • LA FONTAINE


    C’est un spectacle affligeant que celui des jolies fontaines,
    souvent de pures oeuvres d’art, taries par le temps et abandonnées au profit du progrès.
     Elles sont nombreuses à travers la Sicile, surtout dans les petites villes du sud.
    Un jour, dans le silence du midi, chaud et poussiéreux
    , je vois, au centre d’une place intemporelle, l’une d’entre elles.
    Elle soupire,
    elle pleure sans arrêt,
    par gouttes ou par gorgées,
    sous les yeux distraits des passants.


    Fanée
    par l’indifférence perfide
    du progrès,
    elle résiste à l’oubli
    et sourit au souvenir
    des assoiffés d’antan.


    Jadis,
    elle remplissait la cruche
    qui, à l’ombre du balcon,
    éteignait,
    de sa fraîcheur,
    l’ardeur des lèvres brûlées.


    C’est d’elle que l’eau sourdait
    des entrailles de la colline,
    battue par le soleil de feu.


    En plein été,
    prodigue et souriante,
    elle attendait la foule.
    Elle regardait
    les corps allumés et en sueur,
    s’entasser autour de l’eau,
    pour puiser fraîcheur et réconfort.


    Maintenant,
    triste et abandonnée
    dans le silence de la fin,
    elle agonise
    avec la faible plainte
    d’un filet qui tombe.


    Domenico Fasciano

    Nasone



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  • Qu'ont en commun Jules et Jim, Montaigne et la Boetie, Le Petit Prince et le Renard si ce n'est d'avoir rencontré un véritable ami ?
     

    Complicité, fidélité et solidarité caractérisent ce lien étonnant qui unit les hommes par delà les pays, les années et les guerres. Les grands écrivains de la littérature mondiale - La Fontaine, Zola, Camus ou Fred Uhlman - ont exploré les multiples facettes de l'amitie et décrit avec sensibilité des moments partages!


    Pour le plaisir :  Antoine de St Exupery - Le Petit Prince



    C'est alors qu'apparut le renard :


    - bonjour, dit le renard


    -bonjour, répondit poliment le petit prince,qui se retourna mais ne vit rien.

    -je suis là, dit la voix, sous le pommier


    -Qui es tu ? Dit le Petit Prince. Tu es bien joli…


    -Je suis un Renard, dit le renard


    -Viens jouer avec moi,lui proposa le Petit prince, je suis tellement triste…
    .
    -Je ne puis pas  jouer avec toi, dit le Renard, je ne suis pas apprivoisé…


    -ah, pardon ! fit le Petit prince, mais après réflexion, il ajouta:


    -Qu'est ce que signifie ” apprivoiser”


    - tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches tu?


    -Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'est ce que signifie “apprivoiser”


    –les hommes, dit le renard! ils ont des fusils  et ils chassent! c'est bien gênant. Ils élèvent aussi des poules : c'est leur seul intérêt! tu cherches des poules?


    -non, dit le Petit Prince,je cherche des amis! que signifie ” apprivoiser”


    -c'est une chose trop oubliée dit le renard, çà signifie” créer des liens”


    -créer des liens ?


    -bien sur, dit le renard. T u n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons.

    Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable

    à cent mille renardes. Mais si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde, je serai pour toi unique au monde…


    -je commence à comprendre,dit le petit prince. Il y'a une fleur, je crois qu'elle m'a apprivoisé.


    -c'est possible dit le renard. On voit sur la terre toutes sortes de choses.


    -Oh ce n'est pas sur la terre,dit le petit prince


    -le Renard parut intrigué

    -Oui


    -il y'a des chasseurs sur cette planète là ?


    - non


    -ça , c'est intéressant! et des poules ?


    - Non


    -Rien n'est parfait soupira le renard

    Mais le renard revint à son idée


    “ma vie est monotone…je chasse les poules , les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent,

     et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique! eh puis regarde!!! tu vois la bas ?  les champs de blé ? je ne mange pas de pain.. Le blé pour moi ne me rappellent rien! et ça c'est triste

    .  Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi! et j'aimerai le bruit du vent dans le blé ….”

    Le renard se tut, et regarda longtemps le petit prince


    - s'il te plaît, apprivoise moi …


    - je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir,  et beauco

    up de choses à connaître.


    -On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de

     rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point des marchands d'amis,les hommes        n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise moi..


    - que faut il faire ? dit le petit prince.


    -Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe.
     Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus… Mais chaque jour,
     tu pourras t'asseoir un peu plus près.


    Le lendemain revint le petit prince.


    -Il eut mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple , à quatre heures de l'après mi
    di, dès trois heures je commencerai d'être heureux…  Plus l'heure avancera , plus je me sentirai heureux… A quatre heure déjà je m'agiterai et m'inquiéterai. ” je découvrirai le prix du bonheur! mais si tu viens n'importe quan
    d, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur, il faut des rites…..

    - - qu'est- ce qu'un rite ? Dit le petit prince


    - c'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard! c'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres jours,
     une heures des autres heures. Il y'a un rite, par exemple chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec les fill
    es du village. Alors le jeudi est jour merveilleux; je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs dansaient n'importe quand, les jours se  ressembleraient tous, et je n'aurai point de vacances….


    Ainsi le petit prince apprivoisa le renard; et quand l'heure du départ fut proche:


    -ah dit le renard, je pleurerai


    -c'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise.


    -bien sur ,dit le renard;


    -mais tu vas pleurer ?


    -bien sur dit le renard!


    -alors tu ne gagnes rien dit le petit prince


    -j'y gagne dit le renard, à cause de la couleur des blés…Puis il ajouta :va revoir les roses, tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.


    Le petit prince s'en fut revoir les roses:


    ” vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit il!personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous étés comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde”


    Et les roses étaient bien gênées.


    “vous etes belles, mais vous êtes vides, leur dit  il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sur
    , ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mas à elle seule, elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles.puisque  c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter ou même quelquefois se taire! puisque c'est ma rose.


    Et il revint vers le renard :


    - adieu, dit il …


    - adieu, dit le renard, voici mon secret. Il est tres simple : on ne voit bien qu'avec 
     le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.


    -l'essentiel est invisible pour les yeux, répeté le petit prince afin de se souvenir


    -c'est le temps que tu as perdu  pour ta rose, qui fait ta rose si importante.


    - c'est le temps que j'ai perdu pour ma rose, fit le petit prince, afin de se souvenir.


    -les hommes ont oublié cette vérité dit le renard,mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujo
    urs de ce que tu as apprivoisé.Tu es responsable de ta rose.


    -je suis responsable de ma rose, répeta le petit prince, afin de se souvenir.


                                                           ANTOINE DE SAINT-EXUPERY



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  • LE LAC

    Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
    Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
    Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
    Jeter l'ancre un seul jour ?

    Ô lac! l'année à peine a fini sa carrière,
    Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
    Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
    Où tu la vis s'asseoir!
    Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;
    Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
    Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
    Sur ses pieds adorés.
    Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence,
    On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
    Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
    Tes flots harmonieux.
    Tout à coup des accents inconnus à la terre
    Du rivage charmé frappèrent les échos ;
    Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
    Laissa tomber ces mots :
    " Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
    Suspendez votre cours !
    Laissez-nous savourer les rapides délices
    Des plus beaux de nos jours !
    " Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
    Coulez, coulez pour eux ;
    Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
    Oubliez les heureux.
    " Mais je demande en vain quelques moments encore:
    Le temps m'échappe et fuit ;
    Je dis à cette nuit : " Sois plus lente "; et l'aurore
    Va dissiper la nuit.
    " Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
    Hâtons-nous, jouissons !
    L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive;
    Il coule, et nous passons ! "
    Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
    Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
    S'envolent loin de nous de la même vitesse
    Que les jours de malheur ?
    Hé quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
    Quoi ? passés pour jamais ? quoi! tout entiers perdus ?
    Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
    Ne nous les rendra plus ?
    Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
    Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
    Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
    Que vous nous ravissez?
    Ô lac! rochers muets ! grottes! forêt obscure !
    Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
    Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
    Au moins le souvenir !
    Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
    Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
    Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
    Qui pendent sur tes eaux !
    Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
    Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
    Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
    De ses molles clartés!
    Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
    Que les parfums légers de ton air embaumé,
    Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
    Tout dise : " Ils ont aimé ! "

    Alphonse de Lamartine

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