• LA MER 

     

     

    Homme libre, toujours tu chériras la mer!

    La mer est ton miroir, tu contemples ton âme

    Dans le déroulement infini de sa lame,

    Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

     

     

    Tu te plais à plonger au sein de ton image,

    Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur

    Se distrait quelquefois de sa propre rumeur

    Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

     

     

    Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets,

    Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,

    O mer, nul ne connait tes richesses intimes,

    Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!

     

     

    Et cependant voilà des siècles innombrables

    Que vous vous combattez sans pitié ni remords,

    Tellement vous aimez le carnage et la mort.

    O lutteurs éternels, o frères implacables .

     

    CHARLES BAUDELAIRE

    Les Fleurs du Mal .

     

     

     


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  •  

     

    ODE AU CHAT

     


    Au commencement
    les animaux furent imparfaits
    longs de queue,
    et tristes de tête.

    Peu à peu ils évoluèrent
    se firent paysage
    s’attribuèrent mille choses,
    grains de beauté, grâce, vol...
    Le chat
    seul le chat
    quand il apparut
    était complet, orgueilleux.
    parfaitement fini dès la naissance
    marchant seul
    et sachant ce qu’il voulait.

    L’homme se rêve poisson ou oiseau
    le serpent voudrait avoir des ailes
    le chien est un lion sans orientation
    l’ingénieur désire être poète
    la mouche étudie pour devenir hirondelle
    le poète médite comment imiter la mouche
    mais le chat
    lui
    ne veut qu’être chat
    tout chat est chat
    de la moustache à la queue
    du frémissement à la souris vivante
    du fond de la nuit à ses yeux d’or.

    Il n’y a pas d’unité
    comme lui
    ni lune ni fleur dans sa texture:
    il est une chose en soi
    comme le soleil ou la topaze
    et la ligne élastique de son contour
    ferme et subtil
    est comme la ligne de proue d’un navire.
    Ses yeux jaunes
    laissent une fente
    où jeter la monnaie de la nuit.

    Ô petit empereur
    sans univers
    conquistador sans patrie
    minuscule tigre de salon,
    nuptial sultan du ciel
    des tuiles érotiques
    tu réclames le vent de l’amour 
    dans l’intempérie
    quand tu passes
    tu poses quatre pieds délicats
    sur le sol
    reniflant
    te méfiant de tout ce qui est terrestre
    car tout est immonde
    pour le pied immaculé du chat.

    Oh fauve altier de la maison,
    arrogant vestige de la nuit
    paresseux, gymnaste, étranger
    chat
    profondissime chat
    police secrète de la maison
    insigne d’un velours disparu
    évidemment
    il n’y a aucune énigme
    en toi:
    peut-être que tu n’es pas mystérieux du tout
    qu’on te connaît bien
    et que tu appartiens à la caste la moins mystérieuse
    peut-être qu’on se croit
    maîtres, propriétaires,
    oncles de chats,
    compagnons, collègues
    disciples ou ami
    de son chat.

    Moi non.
    Je ne souscris pas.
    Je ne connais pas le chat.
    Je sais tout de la vie et de son archipel
    la mer et la ville incalculable
    la botanique
    la luxure des gynécées
    le plus et le moins des mathématiques
    le monde englouti des volcans
    l’écorce irréelle du crocodile
    la bonté ignorée du pompier
    l’atavisme bleu du sacerdoce
    mais je ne peux déchiffrer un chat.

    Ma raison glisse sur son indifférence
    ses yeux sont en chiffres d’or.
    .

     

     

     

    PABLO NERUDA

     

     


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  • LES YEUX D’ELSA

     

    Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire

     

    J’ai vu tous les soleils y venir se mirer

     

    S’y jeter à mourir tous les désespérés

     

    Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire.

     

     

     

    A l’ombre des oiseaux c’est l’océan troublé

     

    Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent

     

    L’été taille la nue au tablier des anges

     

    Le ciel n’est jamais bleu comme il l’est sur les blés.

     

     

     

    Les vents chassent en vain les chagrins de l’azur

     

    Tes yeux plus clairs que lui lorsqu’une larme y luit

     

    Tes yeux rendent jaloux le ciel d’après la pluie

     

    Le verre n’est jamais si bleu qu’à sa brisure.

     

     

     

    Mère des Sept douleurs ô lumiere mouillée

     

    Sept glaives ont percé le prisme des couleurs

     

    Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs

     

    L’iris troué de noir plus bleu d’être endeuillé

     

     

     

    Tes yeux dans le malheur ouvre la double brèche

     

    Par où se reproduit le miracle des Rois

     

    Lorsque le cœur battant ils virent tous les trois

     

    Le manteau de Marie accroché dans la crèche.

     

     

     

    Une boucle suffit au mois de Mai des mots

     

    Pour toutes les chansons et pour tous les hélass

     

    Trop peu d’un firmament pour des millions d’astres

     

    Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux.

     

     

     

    L’enfant accaparé par les belles images

     

    Ecarquille les siens moins démesurément

     

    Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens

     

    On dirait que l’averse ouvre des fleurs sauvages,

     

     

     

    Cachent ils des éclairs dans cette lavande où

     

    Des insectes défont leurs amours violentes

     

    Je suis pris au filet des étoiles filantes

     

    Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d’aout

     

     

     

    J’ai retiré ce radium de la pechblende

     

    Et j’ai brulé mes doigts  à ce feu défendu

     

    O paradis cent fois retrouvé reperdu

     

    Tes yeux sont mon Perou ma   Golconde mes Indes

     

     

     

    Il advint qu’un beau soir l’univers se brisa

     

    Sur des récifs que les naufragés enflammèrent

     

    Moi je voyais  briller au dessus de la mer

     

    Les yeux d’Elsa, les yeux d’Elsa, les yeux d’Elsa.

     

     

     

    LOUIS ARAGON

     

     

     

    regard

    'e


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  • L’Été

    Théodore de Banville

     

    Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.
    Il brûle tout, hommes et choses,
    Dans sa placide cruauté.

    Il met le désir effronté
    Sur les jeunes lèvres décloses ;
    Il brille, le sauvage Été,
    La poitrine pleine de roses.

    Roi superbe, il plane irrité
    Dans des splendeurs d’apothéoses
    Sur les horizons grandioses ;
    Fauve dans la blanche clarté,
    Il brille, le sauvage Été.

    Théodore de Banville (1823-1891)

    Bel été à tous ..


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  • Poème trouvé sur le net.....On peut y retrouver une ressemblance avec le décès de Johnny..

    POEME AMERINDIEN

    POEME AMERINDIEN

     

    Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
    Laissez-moi partir.
    J'ai tellement de choses à faire et à voir.
    Ne pleurez pas en pensant à moi,
    Soyez reconnaissants pour les belles années,
    Je vous ai donné mon amitié.
    Vous pouvez seulement deviner
    Le bonheur que vous m'avez apporté.

    Je vous remercie de l'amour que chacun vous m'avez démontré,
    Maintenant, il est temps de voyager seul.
    Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
    La confiance vous apportera réconfort et consolation.
    Nous serons séparés pour quelque temps.
    Laissez les souvenirs apaiser votre douleur.

    Je ne suis pas loin et la vie continue …
    Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai.
    Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.
    Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement
    La douceur de l'amour que j'apporterai.

    Et quand il sera temps pour vous de partir,
    Je serai là pour vous accueillir.
    Absent de mon corps, présent avec Dieu.

    N'allez pas sur ma tombe pour pleurer,
    Je ne suis pas là, je ne dors pas,
    Je suis les mille vents qui soufflent,
    Je suis le scintillement des cristaux de neige,
    Je suis la lumière qui traverse les champs de blé,
    Je suis la douce pluie d'automne,
    Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,
    Je suis l'étoile qui brille dans la nuit.
    N'allez pas sur ma tombe pour pleurer,
    Je ne suis pas là. Je ne suis pas mort.  


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