• souriant, Aragon, sur la plupart des photos qui le montrent en compagnie. Et même s'il ne sourit pas,quelque chose de lumineux, d'inspiré, émane de son visage. Image de sa poésie.


    Automne 1908 - Deux femmes viennent de conduire à l'école, pour la rentrée des classes un enfant de onze ans, apparemment la maman  et la soeur....  Au domicile de ces  femmes arrive un homme portant beau, et qui semble être un préfet de police..  D'ailleurs c'est u n préfet de police!  - Il entre dans la maison, et là ! stupeur !! le vieux monsieur  que l'on a pris pour époux de la femme plus âgée, se dirige vers la toute jeune fille, la prend dans ses bras, lui donne un baiser de mari, et disparaît avec elle dans une chambre!   Cet homme s'appelle Louis Andrieux.  Il a rencontré une jeune fille de 23 ans  dont il est tombé amoureux fou! ! , lui a 57 ans ! mais qu'importe !  un an après leur rencontre , leur fils est né...

    Louis Andrieux, installé dans la vie avec femme, enfants et honneurs a décidé que le nom de famille de ce fils de l'amour commencerait par un A, comme Andrieux, t que ce serait Aragon, une province d'Espagne où il avait été en poste.  Il a décidé aussi que sa mère se ferait passer pour sa soeur, alors que sa grand-mère se déclarerait sa mère!!!!Ce qu'elles ont fait ... Jusqu'en 1917, lorsque Louis qui a bien grandi, est parti à la guerre.  Elles lui ont tout dit. Louis est parti pour les tranchées.. Il a bien failli en mourir.: envoyé au front , à Couvrelles, il est enseveli trois fois sous la terre projetée par des obus. Mais il est revenu, Louis!   Il a terminé se études de médecine et puis il a décidé de tout abandonner pour devenir poète!  Non, a dit sa famille, nous te coupons les vivres! . Il n'en  a cure ....


    Avec André Breton  qu'il a connu en 1917 il jette les bases du surréalisme en 1919, prend grand plaisir à participer à la création du mouvement Dada, puis s'attaque à la bourgeoisie avant de se tourner résolument vers l'URSS  et son communisme triomphant. Il se met  à le louer avec d'autant plus de conviction que celle qu'il a rencontrée en 1928  au restaurant La Coupole, à Paris, Elsa  Triolet , d'origine russe, née à Moscou, est devenue sa compagne, sa femme en 1939.

    Pendant la seconde guerre mondiale, il devient un membre actif de la Résistance: mon parti, écrit - il, m'a rendu les couleurs de la France.    Il  est mobilisé, fait prisonnier, puis s'évade,!  Il continue de publier des recueils de poèmes, des romans. En 1959 paraît  l'un des sommets de sa création artistique  : Elsa -

    Elsa meurt en 1970 - Aragon lui survit douze ans. Il s'éteint le 24 decembre 1982 dans sa propritété, à Saint Arnoult en Yvelines. C'est son ami Jean Ristat qui lui ferme les yeux.
    Louis et Elsa reposent dans le parc du Moulin de Villeneuve, devenu la Maison Elsa Triolet-Aragon, ouverte au public en 1994.

    Il faut écouter la magnifique mise en musique  des poèmes d ' Aragon par le chanteur Jean Ferrat. - le plus beau des mariages entre la musique et la poésie! 

                                         QUE SERAIS -JE SANS TOI

    Que serais -je sans toi qui vins à ma rencontre
    Que serais -je sans toi qu'un coeur au bois dormant,
    Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
    Que serais-je sans toi que ce balbutiement ...

    J'ai tout appris de toi sur les choses humaines,
    Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
    J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
    Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
    Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson
    J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson ...

    J'ai tout appris d toi pour ce qui me concerne
    Qu'il fait jour à mdi, qu'un ciel peut être bleu
    Que le bonheur n'est pas un quinquet d taverne
    Tu m'as pris par la main , dans cet enfer moderne,
    Ou l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
    Tu m'as pris par la mai comme un amant heureux..

    Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes,
    N'est ce pas     un sanglot que la déconvenue
    Une corde brisée aux doigts de guitariste
    Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
    Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues,
    Terre, terre, voici ses rades inconnues..

    ARAGON
    Musique de Jean Ferrat.

    J'ai préféré écrire les paroles  que de mettre la musique .........Le poids des mots.....

    6 commentaires


  • Seule dans sa maison ,battue pa le vent d'hiver, une vieille dame qui n'a plus que quelques mois à vivre écrit à sa petite fille , mais avant de disparaître, elle souhaite resserer les liens  distendus par les aléas de la vie .Pour cela elle parle, elle raconte sa vie, son mariage de raison, la mort tragique de sa fille,  et parle de l'homme qu'elle a  aimé..En conclusion, elle conseille à sa petite-fille  qu'il ne faut pas se jeter sans réfléchir sur les routes de la vie,mais choisir ce que notre coeur nous conseille..

    Ce récit ,sans fioriture,émeut par la simplicité de son message..

                                       VA OU TON COEUR TE PORTE

    Chaque fois que tu te sentiras perdue, indécise,
    Pense aux arbres, souviens toi de leur façon de pousser
    Souviens toi qu'un arbre avec beaucoup de feuillages
    et peu de racines peut être déraciné au moindre coup de vent,
    Tandis que dans un arbre avec beaucoup de racines
    et  peu de feuillages la sève court difficilement.
    Racines et feuillages  doivent pousser dans les mêmes proportions
    Tu dois être dans les chose et au-dessus,
    Ainsi seulement tu pourras offrir ombre et refuge,
    Te couvrir de fleurs et de fruits quand ce sera la saison,
    Puis quand plusieurs routes s'offriront à toi
    Et que tu ne sauras laquelle choisir,
    Ne prends  pas une au hasard,
    Mais assieds toi et attends
    Respire profondément avec confiance
    comme le jour ou tu es venue au monde,
    Sans te laisser distraire par rien,
    Attends encore et encore,
    Ne bouge pas, tais toi et écoute ton coeur
    Puis quand il te parlera, lève toi ,
    Et  va où il te porte.

    S. TAMARO





    10 commentaires
  • Les poètes romantiques inventorient avec de troubles délices leurs états d'âme, l'état de leurs pensées, celui de leurs amours, ou les trois à la fois, dans des recueils ou domine le ” je” analysant le ” moi”.. La désespérance et le pessimisme sont souvent au rendez vous qu'on ne leur a pas donné. Les longs épanchements sur  l es beautés de la nature se font la main sur le coeur, l'autre à la plume, assis devant l'immensité.. Statiques les romantiques ?  pas toujours..  Ils désirent s'engager dans leur temps, accompagner la marche des idées, et même leur montrer le chemin.. Ainsi on trouve Hugo et Lamartine sur le front de l'action…

    Chateaubriand et Hugo ne sont pas les seuls dans la grande valse romantique… Les poètes Lamartine et son Lac, Vigny et son Loup, Musset et ses Nuits, Nerval et son air, plongent avec délices dans leur ” je” lyrique …

    LAMARTINE : si on dit ” Lamartine” on pense tout de suite ” Le lac”.. C'est ce qui demeure de son héritage dans nos mémoires, la plupart scolaire.. Pourtant Lamartine a navigué dans d'autres eaux .. Alphonse de Lamartine est né le 21 octobre 1790,dans une famille de noblesse de robe.. Après les dures années de pension à Lyon, puis la poursuite de ses études au College de Belley, il ne fait rien , il vit tranquillement dans la propriété familiale  de Milly jusqu'à la Seconde Restauration. Il a alors 25 ans ..  Il écrit des poèmes… il voyage : Rome, Naples, il séduit des femmes: Henriette Pommier qu'il veut épouser, les Parents Lamartine refusent .. une Antoinette et une Graziella en Italie, d'autres femmes mariées, d'autres célibataires .. Il compose des tragédies chrétiennes et des élégies.. 


    Se croyant malade en 1816  il part en cure et rencontre une femme mariée, leur idylle dure un mois … Ils se retrouvent à Paris ou elle l'introduit dans les milieux littéraires, pendant qu'ils vivent leur passion près du vieux mari qui fait semblant de ne rien voir .. Il écrit pour elle  une première version du Lac , poème qui l'a rendu célèbre  dans toutes les générations : ” o temps, suspends ton vol …  Il ne la reverra jamais Julie  devenue Elvire dans ses ” Méditation ..  Lamartine continue d'écrire des poèmes ,il vit une aventure torride avec une italienne Lena de Larche .. Il rencontre ensuite Miss Birch qu'il épouse ..en 1820, cette année  est celle de la gloire pour le poète : la publication de ses Méditations poétiques offre aux lecteurs des pages dont le degré de sincérité surprend et séduit .. On a qualifié ces Méditations d'acte de naissance de la poésie romantique


    La renommée de LAMARTINE s'étend à l'étranger . Pendant dix ans le poète mène une carrière de diplomate qui le conduit de Naples en Angleterre..  Il continue d'écrire toutes sortes de méditations diverses en prose et en vers.  Lors de son séjour à Paris Lamartine rencontre Hugo, Sainte Beuve. Avec l'appui de Chateaubriand, il est élu  à l'académie française..


    En 1830  il réalise un voyage en Orient jusqu'à la terre sainte… Il embarque à Marseille ou la population lui fait un triomphe. Il emmené avec lui sa femme , des amis et Julia sa fille .. Elle meurt a Beyrouth cinq mois plus tard.. Lamartine vit un désespoir profond dont il ne se remettra jamais .. Il écrit sur ce deuil des poèmes bouleversants … Il rentre seul en France..  Il va désormais prendre part à la vie politique sans cesser d'écrire …  Les vingt années qui suivent sont des années de gêne financière, il spécule sur les terres,en poète, il perd beaucoup d'argent, s'obstine, en perd davantage..


    Il écrit de nouvelles méditations… Il vend la propriété de Milly .. Sa femme, son soutien moral,son seul appui meurt .. Le gouvernement lui accorde une pension nationale de deux mille cinq cents francs or, ce qui est aujourd'hui une somme considérable , et un chalet à Passy…


    Peu de temps après, il est victime d'une attaque d'apoplexie, perd la mémoire et la raison … Une seconde attaque emporte le poète en 1869,

     



                                                                  LE PAPILLON

               Naître avec le printemps, mourir  avec les roses,

               Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur :

               Balancé sur le sein ds fleurs à peine écloses.

               S'énivrer de parfums,de lumière et d'azur,

               Secouant , jeune encor, la poudre de ses ailes,

               S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles

               Voilà du papillon le destin enchanté,

                Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,

                Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,

                Retourne enfin au ciel chercher la volupté.

                           ALPHONSE DE LAMARTINE


    5 commentaires
  •  

       23 Mai 1871.  Depuis deux jours les Versaillais sont entrés dans Paris. Ils tiennent Montparnasse, les Invalides,la gare Saint Lazare. Le Palais des Tuileries est en feu. Les communards qui avaient rêvé d'un autre monde, résistent pour cinq jours encore. Plus de trente mille d'entre eux vont être massacrés- couvreurs, menuisiers,peintres,plombiers, cordonniers. Paris va perdre la plupart de ses petits artisans. Français contre Français!  la capitale vit l'enfer.

    Non loin de Notre Dame, Mathilde , une toute jeune fille, quitte son appartement conjugal, s'élance dans la rue!  elle n'a que dix sept ans, elle est enceinte de quatre mois.  Aux soldats qui veulent l'empêcher d'aller plus loin, elle répond qu'elle doit absolument chercher la mère de son époux aux Batignolles ou les combats font rage! son époux ?  Paul Verlaine!

    Le faible Paul n'a pas eu le courage d'aller lui même. Il a préfère se cacher dans la salle de bains de l'appartement, où , terrorisée se cache aussi la bonne!

    Pauvre Verlaine! Enfant unique et choyé dans le Metz de ses premières années jusqu'en 1851. Adolescent tourmenté à Paris, élève sans courage au lycée Condorcet. Poète précoce qui envoie, à 14 ans, à Victor Hugo un poème de bonne facture déjà , intitulé " la mort" -


    Pauvre Verlaine, faible devant la vie, soumis à la " fée verte"  l'absinthe, esclave de tout ce qui peut faire tourner la tête, Verlaine, ivre, les trois quarts de son existence.. Mais quelle fortune il possède! Tout l'or du monde n'est rien à côté de sa main  sûre qui vous conduit en douceur au seuil de l'offrande  "  voici des fruits,des fleurs,des feuilles et des branches et puis voici que mon coeur qui ne bat que pour vous " .......Ou au coeur de l'émotion "  je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant;d'une femme inconnue que j'aime et qui m'aime...."

    Le 10 septembre 1871 Rimbaud arrive à Paris. En quelques semaines, la tornade de Charleville-( où résidait Verlaine,) ravage le couple Verlaine.
    ?I
    9 Juillet 1872, Arthur et Paul sont en fuite vers la Belgique, ils passent ensuite en Angleterre où ils resteront un an. Retour en 1873 à Bruxelles ou  ivre, Verlaine sort  le pistolet qu'il vient d'acheter, vise Rimbaud, tire ....La balle blesse Rimbaud au poignet. Fin de l'aventure...

    En prison, Verlaine compose la plupart des poèmes du touchant recueil "Sagesse", mais son art porte déjà des ébréchures... Le filon s'épuise dans la décennie qui suit. L'homme se désoriente , avec une étrange complaisance, puis s'échoue , pendant que ses oeuvres larguent les amarres vers l'intemporel...

                                                                CHANSON D'AUTOMNE

                                   Les sanglots longs des violons 
                                   De l'automne
                                    Blessent mon coeur
                                    D'une langueur monotone 

                                     Tout suffocant et blême *

                                      Quand sonne l'heure,

                                       Je me souviens des jours anciens 
                                       Et je pleure

                                      Et je m'en vais,au vent mauvais
                                      qui m'emporte
                                      deçà ,delà
                                      pareil à la feuille morte.

                                      PAUL VERLAINE

                                

                                        




    5 commentaires

  • Le 26 octobre 1802 à Besançon, naît Victor,fils du général Leopold Hugo et de Sophie Trébuchet. L'enfant est malingre et l'on doute de sa survie.  A cinq ans, il traverse l'Italie pour aller embrasser son père devenu général, va à sept ans le féliciter pour son élévation à la dignité de comte.

    De son adolescence il affirme des ambitions littéraires  et participe à des concours poétiques.  Après des études brillantes,il épouse son amie d'enfance Adele Fouchet. qui lui donnera quatre enfants,deux filles et deux garçons!. En 1829 il est reconnu comme chef de file du mouvement romantique. Les milieux officiels l'estiment..  Ce révolutionnaire en littérature est conservateur en politique..

    Sa femme amoureuse du critique littéraire Sainte-Beuve,ami de la famille, se détache de lui,avant de lui revenir. Victor Hugo qui, de son côté , n'est pas un modèle de fidélité, a rencontré l'actrice Juliette Drouet. Entre son épouse et l'actrice qui ont fait voeu chacune de leur côté de se consacrer à leur grand homme, sa vie privée devient digne d'un vaudeville. Il reçoit ses maîtresses dans un bureau, relié par une porte secrete à son appartement.

    A 38  ans  Victor Hugo entre à l'Academie française..En 1843 la noyade tragique de sa fille Leopoldine ,un an après son mariage,  est pour lui une terrible épreuve qui lui inspire les poèmes les plus poignants...... Lui qui a composé de si beaux poèmes sur l'enfance inspirés de sa vie familiale, verra dans sa vieillesse, mourir ses deux fils. Quant à sa fille Adèle, elle sera internée en 1872, devenue folle à la suite d'une histoire d'amour....

    Ce chef du Cenacle romantique,cet ami d'Alexandre Dumas,et de Théophile Gautier , ne se contente pas d'écrire, il participe activement à la vie politique.  Il se passionne par la suite pour le spiritisme, écrit coup sur coup " Les Contemplation" " Chanson des rues et des bois"," l'année terrible" " Les Misérables" " les travailleurs de la mer" " la Légende des Siècles"; il se laisse pousser un barbe blanche de patriarche et s'habille comme un ouvrier.

    Élu au Sénat en 1876, mais ayant renoncé à jouer un rôle politique de premier plan,il cultive l'art d'être grand-père recevant les grands du monde entier venant le visiter. Ses 80  ans sont l'occasion d'une immense manifestation nationale. Des millions d'hommes se reconnaissent dans son oeuvre universelle. Premier dramaturge de son siècle, il en est aussi l'un des plus grands romanciers, un poète de génie et un illustrateur de talent, il est devenu le protecteur des humbles.

    Le 11 mai 1883 Juliette s'éteint. Il lui survit deux ans.  Le 22 mai 1885  une congestion pulmonaire l'emporte. L'assemblée et le Sénat interrompent leurs séances afin de saluer la mémoire du grand homme. Des obsèques nationales sont décrétées. Le 1er juin deux millions de personnes suivent de l'Arc de triomphe au Panthéon, où ses cendres sont déposées, le cercueil de celui qui, dans sa jeunesse, a écrit " je serai Chateaubriand ou rien" ....







    LIBERTE


    De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?

    De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
    Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
    De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
    Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
    L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
    Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
    Qu' est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
    Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?

    Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
    Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
    Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
    Et si la servitude inutile des bêtes
    Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
    Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
    Oh! de nos actions qui sait les contre-coups,
    Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
    Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
    Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
    Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
    Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
    Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
    Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
    Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?

    Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
    Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
    Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
    À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
    Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
    Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
    La balance invisible a deux plateaux obscurs.
    Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
    Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
    La volière sinistre est mère des bastilles.
    Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
    Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
    Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
    Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
    Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
    Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
    Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
    Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
    Se penche, et te dévoue à l'expiation.
    Je t'admire, oppresseur, criant: oppression !
    Le sort te tient pendant que ta démence brave
    Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
    Et la cage qui pend au seuil de ta maison
    Vit, chante, et fait sortir de terre

    VICTOR HUGO



    5 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique