• LE SILENCE DES MOTS

    Si seulement il existait des mots
    qui sauraient te raconter,
    je trouverais les plus beaux
    ceux qui ne peuvent rien briser.

    Je les placerais devant toi
    sur une tendre mélodie
    et ils t'exprimeraient ce que moi
    je n'ai encore jamais dit.

    De ta tendresse et de ta douceur
    ils sont le lien qui nous unit
    car j'y ai trouvé dans ton coeur
    un amour infini.

    Pourquoi donc cette solitude
    d'un coeur qui a tant souffert,
    vient blesser les habitudes
    comme si elles ne savaient que faire.

    Ce matin je pense à toi
    et les mots dansent devant mes yeux,
    j'aimerais être dans tes bras
    plus un seul mot rien que nous deux.

    Dans le silence de chaque mot
    il y a tant de parole et d'amour
    que tout ce que mon coeur trouve beau,
    grandit à chaque jour.



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  • Peindre d'abord une cage
    avec une porte ouverte
    peindre ensuite
    quelque chose de joli
    quelque chose de simple
    quelque chose de beau
    quelque chose d'utile
    pour l'oiseau
    placer ensuite la toile contre un arbre
    dans un jardin
    dans un bois
    ou dans une forêt
    se cacher derrière l'arbre
    sans rien dire
    sans bouger...
    Parfois l'oiseau arrive vite
    mais il peut aussi bien mettre de longues années
    avant de se décider
    Ne pas se décourager
    attendre
    attendre s'il faut pendant des années
    la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
    n'ayant aucun rapport
    avec la réussite du tableau
    Quand l'oiseau arrive
    s'il arrive
    observer le plus profond silence
    attendre que l'oiseau entre dans la cage
    et quand il est entré
    fermer doucement la porte avec le pinceau
    puis
    effacer un à un tous les barreaux
    en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
    Faire ensuite le portrait de l'arbre
    en choisissant la plus belle de ses branches
    pour l'oiseau
    peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
    la poussière du soleil
    et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été
    et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
    Si l'oiseau ne chante pas
    c'est mauvais signe
    signe que le tableau est mauvais
    mais s'il chante c'est bon signe
    signe que vous pouvez signer
    Alors vous arrachez tout doucement
    une des plumes de l'oiseau
    et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau
    J.PREVERT


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  •  



    MON REVE FAMILIER

    Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
    D'une femme inconnue et que j'aime et qui m'aime
    Et qui n'est, chaque fois ni tout à fait la même
    Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

    Car elle me comprend et mon coeur transparent
    Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
    Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême
    Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant

    Est-elle brune,blonde, ou rousse ? - je l'ignore.
    Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore
    Comme ceux des aimés que la Vie exila.

    Son regard est pareil au regard des statues
    Et pour sa voix lointaine et calme, et grave, elle a
    L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

               PAUL VERLAINE


    PAUL VERLAINE - (Metz 1844-Parus 1896)

    Amoureux. Verlaine a toujours été amoureux de l'idée même de l'amour sans jamais réussir à la conduire sur l'étroit sentier du bonheur. Amoureux de sa cousine Elisa Moncomble... Frôlements de doigts, regard troublants, gestes équivoques sans doute, rendez vous secrets, peut être, peut être plus encore, sait- on ?

    Mais Elisa se marie à quelqu'un d'autre, attend un enfant. L'enfant naît, sa mère en meurt. Verlaine sombre. Son existence devient celle d'un naufragé qui s'accroche à la poésie, à la fée verte- absinthe- à Rimbaud,l'illuminé.

    Tant de beauté dans ses poèmes, tant d'horreur dans sa vie- violence contre sa femme Mathilde, contre sa mère... Verlaine des extrêmes.

    Pour nous, sa poésie. Tout le reste pour l'oubli .


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  • Matin d’octobre


    C’est l’heure exquise et matinale
    Que rougit un soleil soudain.
    A travers la brume automnale
    Tombent les feuilles du jardin.

    Leur chute est lente. On peut les suivre
    Du regard en reconnaissant
    Le chêne à sa feuille de cuivre,
    L’érable à sa feuille de sang.

    Les dernières, les plus rouillées,
    Tombent des branches dépouillées ;
    Mais ce n’est pas l’hiver encore.

    Une blonde lumière arrose
    La nature, et, dans l’air tout rose,
    On croirait qu’il neige de l’or.


    François COPPÉE


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  • Un article à une heure avancée de la nuit ! j'ai vu un film sur la 6 qui m'a dérangé , il s'agissait de la catastrophe du 11 septembre.... et je n'arrive pas à trouver le sommeil ...Alors, me voilà un petit moment avec vous pour vous parler de Rimbaud, c'est déjà plus poétique ...Ouf!!!

    Fils d'un capitaine de l'armée du général Bugeaud qui déserte le domicile conjugal, Arthur Rimbaud,né en 1854,étonne le collège de Charleville par la précocité de ses dons. Mais déjà à l'étude, il préfère l'école buissonnière, fait ses premières fugues pendant la guerre de 1870. Sur les murs de Charleville, il écrit " Mort à Dieu", s'enivre dans les cabarets.... Cette même année 1870, son professeur de rhétorique et ami Georges Izambard encourage ses dons poétiques. Parti à Paris avec des poèmes plein les poches, il s'y conduit en voyou dans les cercles littéraires, porte des toasts à la gloire de la Commune dans les cafés,brise le ménage de Verlaine puis s'enfuit avec lui pour la Belgique,et l'Angleterre.

    Ruptures, réconciliations... En mai 1873, Verlaine, ivre dans une crise de jalousie, le blesse au bras d'un coup de révolver. Tandis que Verlaine purge une peine de prison , Rimbaud rédige " une saison en enfer". L'accueil est si glacial qu'il décide de ne plus écrire,l'inspiration l'ayant définitivement abandonné.

    Il vagabonde à travers l'Europe, s'engage dans l'armée hollandaise, déserte... A 25 ans, il fait ses adieux à ses amis de Charleville et il disparaît en Orient.  Contremaître Chypre,gérant de comptoirs commerciaux, marchands d'armes en Ethiopie... Il est devenu un " ascète"  qui rêve néanmoins de faire fortune et de mener une vie confortable. Une tumeur au genou l'oblige à rentrer en France. Amputé il veut retourner en Ethiopie mais ne l'atteindra jamais. Son billet en poche, il meurt de gangrène dans les bras de sa soeur,après une atroce agonie longue de trois mois.

    L'oeuvre qu'il a laissé " Poésie, Une saison en enfer, Illuminations reste  unique par sa violence  et la quête d'un absolu qu'il a cherché plus tard dans l'aventure,elle a profondément marqué le mouvement surréaliste et est à l'origine de la mutation de la poésie moderne.

                                                LE DORMEUR DU VAL


    C'est un trou de verdure où chante une rivière,

    Accrochant follement aux herbes des haillons

    D'argent,où le soleil de la montagne fière,

    Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons.

     

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

    Dort , il est étendu dans l'herbe, sous la nue,

    Pâle dans son  lit vert où la lumière pleut

     

    Les pieds dans les glaieuls,il dort. Souriant

    comme

    sourirait un enfant malade,il fait un somme,

    Nature, berce-le chaudement,il a froid.

     

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine

    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

    Tranquille. Il a deux trous rouge du coté droit.

    ARTHUR RIMBAUD




             






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